« Éduquer » le grand public à propos des patients impliqués dans les essais cliniques : un enjeu pour l’industrie pharmaceutique.
Il y a quelques jours, je vous expliquais, dans les grandes lignes, ce qu’est un essai clinique, quels sont ses objectifs et comment il se déroule.
Aujourd’hui, à la suite de la mise en suspens des essais d’AstraZeneca pour un vaccin contre le covid-19, je me suis dit qu’il était important d’aborder la question des patients qui rejoignent une étude clinique.
Pour rappel, les essais cliniques de phase III menés par AstraZeneca pour proposer un vaccin contre le covid-19, décrits comme l’un des plus avancés et prometteurs en cours de développement, ont été suspendus suite à des symptômes neurologiques aigus chez un patient en Grande-Bretagne (ndlr : le nombre de patients volontaires testés à ce stade s’élève à des dizaines de milliers répartis entre le Royaume-Uni, le Brésil, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis depuis le 31 août). Dans le jargon biomédical, c’est ce que l’on appelle un « serious adverse event« , en d’autres termes, une réaction négative sévère au traitement.
La mise en suspens de cette étude était donc une obligation éthique et réglementaire pour AstraZeneca qui doit investiguer les raisons de cette réaction, identifier les problèmes et trouver des solutions pour ajuster le protocole de l’essai afin de le relancer.
Il est impossible de prévoir la réaction des patients aux traitements expérimentaux
Les études cliniques sont menées dans l’espoir de trouver des solutions thérapeutiques efficaces, mais il est impossible, du fait de la diversité de chacun, de prévoir comment un patient va répondre à un traitement. Pour une même thérapie, certains patients présentent une nette amélioration de leur état de santé, tandis que d’autres se dégradent.
Réactions négatives au traitement : différents cas de figure
Dans le cas d’AstraZeneca, le traitement a généré des complications neurologiques graves inattendues chez un patient. Dans d’autres études, il arrive aussi que des réactions négatives mènent au décès du patient, mais il existe d’autres cas de figure et il est primordial d’en informer le public :
- Soit les patients ne répondent absolument pas au traitement (dans ce cas, il arrive que le dosage soit revu à la hausse ou que les critères d’inclusion des patients soient modifiés) ;
- Soit le traitement est efficace, mais leur organisme n’est pas assez résistant pour tenir le coup pendant toute l’étude (comme c’est le cas par exemple des patients dont le système immunitaire ne fonctionne plus) ;
- Soit le traitement est efficace, mais intervient trop tard face à une maladie trop agressive ou avancée (comme pour les patients atteints d’un cancer en phase terminale).
Dans tous les cas, ces événements permettent aussi aux chercheurs et aux médecins qui développent et testent des candidats médicaments de mieux comprendre l’impact du traitement sur les patients, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, pourquoi et comment ajuster le tir pour faire en sorte qu’une solution sûre et efficace soit délivrée à l’ensemble d’une population de patients.
Toute participation à une étude clinique se fait avec le consentement éclairé du patient
En lisant ces lignes, certaines personnes s’indigneront peut-être du fait qu’un échec clinique, quand il se fait au détriment de la vie du patient, ne devrait juste pas avoir lieu. La perte d’un patient est toujours tragique, car l’objectif des médecins et des chercheurs est d’améliorer les conditions de santé du patient, voire de le guérir dans le meilleur des cas.
Un élément sur lequel il faut être clair est qu’un patient qui rejoint un essai clinique toujours est informé, par les investigateurs de l’étude (c’est-à-dire les médecins qui sont en charge de mener cette étude), du protocole ainsi sur les implications liées aux tests de médicaments en cours de développement. Son état de santé ainsi que son état d’esprit sont évalués par un psychologue, afin de s’assurer que sa décision soit prise de manière lucide, raisonnée et consciente.
Les 4 points clés à retenir de cet article
- Les événements négatifs et les effets secondaires sont toujours à redouter.
- Chaque patient va développer sa propre réaction à un traitement (positive, neutre ou négative).
- La science part d’une hypothèse et ne peut pas anticiper toutes les réactions possibles à un même traitement.
- Aucun patient n’est forcé de rejoindre un essai clinique, il le fait toujours librement, de son plein gré.